Souvenirs, nettoyage et ...

Frère Trufaldini revenait d'une retraite de quinze jours. Toujours à cheval sur son éternel roncin, il avançait fébrilement vers l'Abbaye de Clermont, essayant de calmer son impatience à revoir ses frères et soeurs thomistes.

Bientôt, il vit apparaître, au détour d'un chemin, le clocher de la chapelle des Augustines, dépassant d'un bouquet d'arbre... au loin, la ville de Clermont et les tours de sa Cathédrale dépassèrent également des forêts alentours; son périple touchait donc à sa fin.

Et quel périple! Depuis plus de deux semaines, Trufaldini s'était absenté de Clermont pour se reposer dans une abbaye cistercienne au large de Cannes, dans l'île Ste Honorat, qui, avec l'île Ste Marguerite, faisait partie des îles de Lérins.

Il avait été fort bien reçu par frère Vladimir, l'abbé de Lérins, et par toute la communauté monastique. On lui avait donné une cellule près du cloitre et on l'avait convié à la tablée de l'abbé, dans le réfectoire, et ce, durant tout les repas, ce qui est un grand honneur.

Son séjour avait été rythmé par les offices; Trufaldini, à chaque heure canoniale, rejoignait ses frères pour prier dans l'abbatiale, et chanter dans des tons plus proches de l'Eglise d'Orient que de celle d'occident.

Trufaldini arrivait maintenant à la cloture de l'Abbaye de Clermont. Il descendit prestement de son cheval, et l'attacha à un viel anneau de fer sur le mur de la chapelle. Le lieu était étrangement silencieux, calme, s'en était presque inquiétant; seul le chant des oiseaux venait ponctuellement rompre le silence de la nature.

Le recteur de la Congrégation ouvrit la lourde porte de la chapelle; et s'aventura dans la pénombre. La pièce semblait abandonnée... la poussière et les toiles d'araignés couvraient les murs. Même le livre des Vertus, posé sur l'autel, était figé dans sa crasse. Trufaldini le nettoya de sa main, et lut:

Citation :: Ayant dit ceci, Christos nuança tout de même ses paroles :

" Mais n’oubliez pas, que chaque homme a aussi une individualité, chaque homme a son propre rapport avec Dieu et avec la nature. Aussi, pour ne pas oublier cela, et pour trouver en sois les ressources nécessaires à la réflexion, il plaît à Dieu que vous puissiez vous retirez de temps en temps, au delà de la ville, afin de vous retrouver en vous même, dans la prière et le calme, la quiétude et la concentration de votre esprit.

Les retraites sont alors un moyen pour vous de prendre du recul par rapport à la cité, et ce pour mieux la contempler, et mieux l’apprécier. "

Alors, l'esprit de Trufaldini se mit à vagabonder; il était encore sur l'île, se baignant dans la petite crique près de la chapelle St Pierre, buvant le vin que faisaient les moines, étudiant dans la bibliothèque de vieux manuscrits, aidant aux travaux de réfection du cloitre et du monastère fortifié.

Ici, plus rien de tout cela, le thomisme semblait mort, et Trufaldini n'avait pas réussi à le sauver. Alors, le frère recteur, sur le visage duquel on commençait à lire le poid des années, les sillons de la fatigue et la tristesse du découragement, le recteur, donc, avisa une échelle posée contre le mur, il la positionna en face du rétable sale de poussière, et l'escaladat, marche par marche, en sortant un chiffon de sa poche: Au moins vaincrait-il la poussière!

Mais alors qu'il atteignait presque son but, étant en haut de l'échelle, Trufaldini se prit le pied dans sa robe. Il perdit l'équilibre et chancella. Il essaya désesperrement de se rétablir en tentant de s'aggriper aux barreaux de l'échelle, mais ses mouvements désordonnés et paniqués, au contraire, précipitèrent sa chute; ses mains glissaient dans le vide et ses bras battaient l'air. Il tomba de tout son poid sur la dalle de la Chapelle.

Lors de la chute, Trufaldini sentit craquer ses os, des éclairs jaillirent de ses yeux, sa vue se brouilla, le noir et le rouge se mélant dans son esprit...

Il entendit:

- Joie et amour!!!

- Calme toi, mon frère! calme toi!

- Joie et amour!!!

Le soleil de plomb, la chaleur étouffante, le ciel bleu de Lérins...

- Joie et amour!!!

Trufaldini était sur cette île de Saint Honorat, il avait entendu les cris de cet autre retraitant, celui dont la cellule était adjacente à la sienne. L'homme était devenu fou, possédé par le démon; après avoir été secoué de spasme la nuit entière, il était sorti de sa cellule et avait parcouru le cloitre en hurlant:

- Joie et amour!!!

Trufaldini avait bondi hors de sa chambre, et avait vu l'homme aggriper un vieux moine au cou, commençant à serrer ses doigts autour de sa gorge, sans réaction aucune de la part du moine. Ce dernier, objecteur de conscience et non violent, s'était laissé faire, regardant son aggresseur avec des yeux emplis d'amour et de larmes.

L'abbé et Trufaldini étaient arrivés à temps pour délivrer le pauvre cénobite de l'étreinte du possédé. Mais le malheureux s'était mit à gigoter avec violence, écumant et bavant des flots de mousse. Il était secoué de frissons, et allait jusqu'à se rouler par terre...

- Appellez les sergents de la garnison, on n'y arrivera pas à nous seul! avait dit l'Abbé à un jeune novice à longue barbe.

La crise avait duré toute la matinée, et le possédé avait été maîtrisé par les sergents, et évacué par bateau sur le continent, permettant à la communauté de retrouver son calme et de prier pour l'âme du malheureux.

- Joie et amour!!!

- Joie et amour!!!

Les cris s'appaisaient maintenant, la voix ne portait plus, elle s'évanouissait au large, perdait de sa force, se noyait dans les flots.

La voix cessa, l'esprit de Trufaldini n'était maintenant plus qu'un grand vide, un néant sans fin, une absence profonde, une chute vertigineuse, une paix imperturbable.

Plusieurs heures passèrent ainsi, sans que personne ne s'aperçut que le recteur de la Congrégation gisait là, sur le sol de la chapelle.

Et puis vint le réveil... l'esprit de Trufaldini fit soudain irruption dans la vie réelle et l'homme se reveilla brusquement, les yeux braqués vers la voute du plafond.

Il mit quelque secondes avant de réaliser où il se trouvait, et pourquoi il était ainsi allongé. Il essaya de remuer ses membres pour se relever, mais aucun n'obéit.

Il devait être près de midi, et la faim se faisait sentir. Aussi, Trufaldini se concentra, et, tenta une seconde fois de se redresser.

Aucun mouvement.

Alors, étreint par une angoisse de plus en plus vive, l'homme essaya de diriger ses membres l'un après l'autre.

Tous restèrent immobiles, même la machoire, que pourtant Trufaldini aurait voulu crisper.

Après une vérification rigoureuse, Trufaldini arriva à ce constat: seuls les paupières et le gros orteil du pied gauche pouvaient encore bouger!

Le frère recteur était donc paralysé, figé dans la chapelle. Allongé et immobile, peut-être pour toujours! Dieu sait combien de temps il allait rester ici, en proie à l'angoisse de la fin.

Gandalf venait à la Chapelle, afin de prier. La guerre en Normandie lui avait laissé un goût amer, la souffrance humaine qu'il avait vu le hantait...

Il avait envie de prier et de se sentir proche de Christos, son modèle...

Pénétrant dans la Chapelle, il aperçut une forme au sol. Encore ébloui par le changement de lumière il ne pouvait distinguer mais il lui sembla reconnaitre une forme humaine...

Avec précautions, il se rapprocha... pour découvrir frère Trufaldini, allongé au pied d'une échelle, les yeux ouverts mais ne bougeant pas...

Gandalf s'agenouilla et lui pris la main... frère Trufaldini ne bougeait toujours pas, seuls ses yeux regardaient Gandalf en exprimant une profonde détresse...

Gandalf comprit que frère Trufaldini était très certainement tombé de l'échelle et qu'il ne pouvait plus bouger. Il avait déjà eu l'occasion de voir ce genre d'accident, et le médicastre qui était intervenu avait recommandé de bouger la victime le moins possible... La main de frère Trufaldi posée contre le sol de la Chapelle était fraîche, ce qui indiquait que cela faisait un bon moment que son frère gisait là, attendant des secours...

Gandalf enleva sa cape et en recouvrit frère Trufaldini afin qu'il ne prenne pas froid dans cette Chapelle, puis ota son surcôt et le roula en boule qu'il glissa doucement sous la tête de son frère, en lui parlant en même temps.

Ne craignez rien mon frère, je vais chercher du secours, nous allons nous occuper de vous...

Puis lui désignant le crucifix à côté

Je vous laisse quelques instants sous la Sainte garde de notre cher Christos, je reviens très vite avec de l'aide... Ne tenter pas de bouger pour l'instant mon frère, vous risqueriez d'aggaver votre état...

Gandalf lut dans le regard un peu plus apaisé de frère Trufaldini que celui-ci l'avait entendu. Lui jetant un dernier regard, Gandalf partit en courant chercher du secours...

[HRP] Bon ce n'est pas gagné pour faire un RP, il n'y a pas grand monde... on va attendre jusqu'à ce soir... [/HRP]

Attendre, attendre. Déployer des trésors de patience, dormir... non, prier; voilà ce que s'était dit frère Trufaldini après sa chute: "Surtout, prend patience, et prie le Très Haut de t'accorder miséricorde!"

Près de deux heures s'écoulèrent, lorsque le paralysé vit une ombre s'avancer près de lui; il reconnut bientôt le bon visage de son frère Gandalf Nim; ses prières n'avaient pas été vaines.

Alors il le regarda de toute ses forces, essayant de lui exprimer sa gratitude par le regard, tandis que Gandalf s'occupait de lui.

Bientôt recouvert de la cape de son frère, le recteur avait déjà repris confiance, et lorsque Gandalf sortit, Trufaldini reprit ses prières en lorgnant du côté du crucifix, louant le Très Haut, et Christos, son messie.

Gandalf allait chercher du secour, il faudrait encore attendre, mais cette fois-ci, le blessé avait retrouvé l'espoir.

(HRP: Merci Gandalf, ne vous en faite pas pour le RP, c'est un RP "léger" sans prétention, qui ne nécessite pas beaucoup d'interventions, c'est juste important pour mon personnage, et la suite./HRP)

Ivrel ayant croisé Messire Gandalf Nim dans le cloître, se dirigea rapidement vers la chapelle et en chemin elle donna l'ordre à un moine d'aller rapidement quérir le meilleur médecin du duché, le doyen de l'académie, Messire Ninjaturtel d'Aurillac.

Arrivée auprès de son éminence elle lui alla lui tenir la main en attendant les secours

Ne bougez pas Monseigneur, nous allons sous peu vous emporter dans vos appartements à la cathédrale pour que vous puissiez être vu par un médicastre, qui j'en suis sure vous guérira......... ce n'est qu'une mauvaise chute, vous êtes solide dit-elle les yeux remplis de larmes qu'elle essayai de cacher à son mentor, celui qui l'avait guidé lors de ses premiers pas au sein de l'église, celui qui l'avait encouragé dans sa foi naissante........ puis elle se mit à prier à voie basse.

Trufaldini s'était assoupi... épuisé et affamé qu'il était, son corps avait sans doute jugé plus prudent de se réfugier dans les bras de Morphée.

Alors, les visions reprirent de plus belle. Un enchevetrement de points noirs et violets, des lignes, des courbes... puis une echelle, montant vers le ciel... une douce et bienfaisante lumière auréolée de ténèbres.

Et une voix, une voix mystérieuse, indéfinissable, indescriptible... agréable à entendre, chaleureuse... mais indistincte... lointaine; Trufaldini n'arrivait pas à décrypter ce que la voix lui disait, ou bien il saisissait des bribes, des mots dans sa langue maternelle.

Filio mio! ... bene gradito... Pace ...Ti amo... Vai... ...Ascolto io!

Et puis une sensation de malaise, d'étouffement, l'homme se sentait oppressé, sa poitrine serrée par une force invisible, il respirait péniblement, haletait et transpirait. Devant lui défilaient des créatures imondes, perverses, difformes: le fruit de son imagination, inspiré par les pires bestiaires que, jeune prêtre, Trufaldini avait feuilleté dans les différents séminaires qu'il avait fréquenté dans son Piémont natal.

Une Hydre à sept tête gambadait maintenant devant lui, remuant ses ideuses machoires, ses langues putrides, ses gueules desquelles pendaient de multiples robes écarlates.

Au devant de la bête, plusieurs hommes, qui semblaient braves et dévoués. Certains avaient sur eux des habits ecclésiastiques, pourpre cardinalice ou autre, beaucoup portaient des cottes d'armes et des hauberts militaires.

Tous luttaient contre l'hydre, essayant de la darder des leurs lances et de leurs pics, mais celle-ci engloutissait un à un les différents personnages qui lui opposaient résistance.

Parfois, un brave réussissait à lui couper une de ses têtes, mais celle-ci repoussait aussitôt, encore plus menaçante et terrible. Un combat sans fin était engagé, mobilisant toujours plus d'énergie et d'hommes.

Mais le combat semblait s'éloigner de Trufaldini à mesure que grandissaient les ténèbres. Jusqu'à ce qu'il fasse assez sombre pour ne plus rien distinguer.

Ses yeux se rouvrirent, et son corps ressentit une brise légère de vent frais. Il faisait nuit, la chapelle s'était rafraichit, mais la faim le tenaillait plus que jamais.

Le frère recteur sentit une présence à ses côtés, une respiration, le murmure de prières égrénées et répétées inlassablement et avec émotion. Trufaldini parvint à discerner la silhouette d'Ivrel. Cette brave Ivrel, qui avait toujours été là pour lui. Elle l'accompagnait encore dans sa souffrance.

Alors, bouleversé, secoué par l'émotion, le paralysé sentit ses yeux se mouiller, se remplir de larmes, sa vue se brouiller, ses tempes s'humecter de ses pleurs abondants, seul témoignage d'amour qu'il pouvait offrir à sa soeur.

Enfin Ivrel vit arriver 4 moines portant une litière.

Attention mes frères, soulevez-le très doucement en le maintenant bien droit, nous allons l'emporter à la cathédrale dans son lit, pour que le médecin puisse l'examiner et surtout pour qu'il ne prenne pas froid en plus sur ce sol glacé.

Les moines agirent avec une infinie délicatesse, et emportèrent d'un pas lent la litière où gisait Monseigneur Trufaldini dans une chambre à l'évêché.

Ivrel lui tenant toujours la main, et essayant de lui sourire pour lui donner confiance malgré les larmes qu'elles sentait poindre au coin de ses paupières.

HRP : suite ici

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